Mixology
J’éprouve, depuis que je fabrique de la musique, une difficulté à répondre à cette question récurrente : « quel est le genre de votre musique » ? Si je devais alors y répondre absolument quelque chose, je le faisais par périphrases, avec beaucoup d’astérisques et des « oui, mais ». En tant que grecque en France, j’ai été classée dans la catégorie des Musiques du monde ; cela a même pu provoquer des malentendus amusants, puisque le public de festivals où j’étais invitée, s’attendait souvent à entendre du bouzouki et du syrtaki, tandis que moi je leur proposais des mises en musique de poèmes de Odysseus Elytis ou de Dionyssios Solomos. Lorsque j’ai commencé à travailler sur des poésies en d’autres langues, sur des poètes anglais tels que William Blake, des poétesses américaines comme Edna St. Vincent Millay ou françaises comme Louise Labé, et à m’inspirer de musiques d’autres périodes ou styles – médiévale, contemporaine, blues, jazz, punk – j’ai alors compris qu’il était définitivement vain d’essayer de répondre à la question.
Pourtant je l’entends bien cette question, et le besoin d’où elle découle. Pour cela, j’ai décidé d’inviter les auditeurs de ma musique à la considérer de la même façon qu’ils et elles abordent un cocktail : une margarita est une margarita, nous n’avons pas besoin de savoir si elle est composée de tequila ou de brandy, de citron ou de citron vert. Un mojito est un mojito, nul ne commande un « rhum avec glace pilée, sucre de canne, citron vert, menthe poivrée et eau gazeuse ».
Ainsi pour les pièces de ce disque. Certaines viennent d’un mélange d’ingrédients différents qui proviennent d’un besoin profond d’expression : une expression que seuls ces ingrédients pouvaient servir. D’autres pièces sont d’un seul tenant, comme un whisky sec. D’autres constituent toute une histoire avec un début, un milieu et une fin, avec de nombreux ingrédients distincts et des ruptures stylistiques, tel un B52 en trois couches clairement visibles, dans une véritable narration gustative. L’ensemble du disque, avec ses multiples visages, a pour ambition de véhiculer quelques sensations, indépendamment de la langue, du style, de l’instrumentation, de l’époque dont datent certains ingrédients : d’éveiller des souvenirs et de mobiliser l’imagination.
Tel un nouveau cocktail que l’on nous fait goûter sans nous dévoiler par avance ce qu’il y a dedans. Afin de préserver l’unité du disque, j’ai relevé le défi de l’enregistrer seule, en jouant notamment tous les instruments, à l’exception de quelques pièces, enrichies par la participation de Evi Filippou et de Gaspar Claus.
Entre temps, la pandémie est venue confirmer ce choix solitaire.
Je vous invite à l’écouter avec les oreilles et les esprits ouverts.
À la vôtre !
Katerina Fotinaki
Ils en parlent... -> RTS - Music Paper - Mediapart - Jean-Jacques Birgé - Le Monde - Télérama - L'Alsace - Froggy's delight - France Musique - La Terrasse
Interview de Katerina Fotinaki par Jazz magazine :
1. Kiss Off (punk meeting Rebetiko)
2. Polyphonies d'Eros
3. If Barbara met Peggy
4. Death by water
5. Les enfants dans les champs
6. Prends garde à toi
7. Europe
8. Cachés dans cet asile (Berceuse)
9. Tambourin invisible
10. Septembre
11. Gardens of love
12. Cocaïne (Bonus track)
Katerina Fotinaki
Voix, compositions, arrangements, orchestrations, guitares (électrique, classique, baryton, acoustique, guitare préparée, tzouras),
basses (acoustique et ukelele), percussions (cajon, daf, batterie, xylophone, woodblocks), mélodicas, harmonicas
Evi Filippou
Marimba - Vibraphone, percussions, batterie dans 1,3,5
Chant dans 3
Gaspar Claus
Violoncelle dans 7
Ninon Valder
Flûte basse dans 8
Orestis Plakidis
Production – sons éléctroniques – mixage – mastering
Théodora Psychoyou
Conseil musicologique
Retrouvez cet album partout !