Gabriel Fauré

L'œuvre pour violoncelle et piano de Gabriel Fauré nous plonge au cœur du mystère que la musique de ce Maître recèle : unissant intimement sensualité et spiritualité, c'est une musique suprêmement équilibrée, parlant tant à l'âme qu'au corps, et portant au plus haut les qualités de raffinement et de subtilité attribuées à la musique française.

Lorsque Damien et moi nous sommes rencontrés à Berlin - grâce à l'entremise amicale de Raphaël Oleg sans qui ce projet n'aurait jamais vu le jour et à qui nous dédions volontiers ce disque - nous avons vite découvert que Fauré nous faisait pareillement vibrer et c'est naturellement que l'idée s'est imposée d'enregistrer ensemble ces œuvres, si riches de poésie, de grâce et de charme, mais en même temps énigmatiques et secrètes.

Nous connaissions depuis longtemps les pièces les plus célèbres : "Après un rêve" - mélodie dont la sublime interprétation de Régine Crespin nous a particulièrement inspiré - la Sicilienne, l'Élégie, la subtile et candide Berceuse, nous avions tous deux souvent joué la Deuxième Sonate op. 117 avec ses immenses arcs mélodiques, son mouvement lent d'une profondeur et d'une sobriété rare, son finale virevoltant, et puis nous avons découvert ensemble les richesses d'œuvres moins connues : la voluptueuse Romance, la Sérénade pleine d'humour, mais surtout la sombre Première Sonate op. 109, chef d'œuvre méconnu. Cette sonate dense, tourmentée, traduit au plus près la détresse du compositeur pendant la Première Guerre Mondiale et nous expose des aspects méconnus du génie fauréen : la fureur y côtoie la révolte, et rarement le compositeur aura montré un visage aussi sombre que dans le premier mouvement.

C'est ainsi le parcours d'une vie qui se déploie ici, depuis l'innocence, la tendresse et la sourde mélancolie des débuts jusqu'à la profondeur des derniers chefs d’œuvre...

Nicolas Bringuier

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