Impressions d'Afrique
Ce disque est le fruit de notre émerveillement pour les musiques d'Afrique. Les pièces enregistrées ici témoignent d'un cheminement long de plusieurs années. Pour nous autres, musiciens d'un quatuor à cordes, l'Afrique semble être un continent bien éloigné de nos terres artistiques. Et pourtant...
Au départ, il y a eu la fascination pour la cora, les chants polyphoniques pygmées, le bolel éthiopien... des heures à dévorer les merveilleux disques du label Ocora !
Ensuite vint la découverte de l'univers singulier du compositeur Kevin Volans, un pont improbable et génial entre culture zoulou et avant-garde occidentale. C'était davantage une vision transposée, stylisée du continent africain qui s'offrait à nous. Il faut saluer ici l'intrépide Kronos Quartet, qui le premier a porté au disque ce fantastique White Man Sleeps.
Puis c'est à l'occasion de notre enregistrement des quatuors de Ligeti que nous avons rencontré Simha Arom, le grand ethnomusicologue spécialiste de la musique des pygmées Aka. Son érudition et les souvenirs incroyables de ses expéditions en Centrafrique, nous ont encouragés à explorer nous-même la richesse musicale de ce grand continent.
Entre temps, j'avais écrit Impressions d'Afrique, suite à une commande de Luc Dedreuil, pour le quatuor de violoncelles Alexander, dont nous jouons à présent la version pour quatuor à cordes. Les images sonores convoquées dans la pièce sont «réellement» fantasmagoriques, à la fois caricatures de nos images d'Epinal sur le continent noir, et rêves intangibles d'un jardin d'Eden africain. Michel Leiris, dans son livre L'Afrique Fantôme, décrit autant ce qu'il voit que ce qu'il ressent ou comment il est lui-même transformé par le voyage. De la même façon, Impressions d'Afrique, c'est ce «coin d'Afrique» qui fait partie de notre imaginaire commun, un monde que, pour ma part, même quelques séjours au Gabon ou au Congo n'ont pas effacé totalement.
Enfin il y a eu la rencontre avec Moriba. Quand Philippe Conrath, directeur du festival Africolor, nous a proposé de partager la scène avec un musicien africain, c'est notre chère Charlotte De Jésus, administratrice du quatuor, qui a tout de suite pensé à Moriba Koïta, et qui nous l'a présenté. Nous fûmes alors en prise directe avec le Mali, et la tradition des griots. Avant de prendre la mesure de l'homme-mémoire qu'était Moriba, nous avons été tout d'abord impressionnés par sa virtuosité instrumentale. Le langage musical, la manière de composer, de travailler, de «s'y prendre», étaient tellement différents, le fossé entre notation musicale et mémorisation des formules mélodiques tellement abyssal, que l'ambition de jouer ensemble notre musique nous est parfois apparue comme inatteignable. Mais le désir de partager un véritable objet musical qui n'aurait appartenu qu'à nous cinq a été le plus fort. Et c'est peut-être parce qu'il a fallu faire tant de chemin les uns vers les autres, que nous avons pu tisser une relation particulière avec Moriba, intense d'estime et d'amitié, une relation qui, elle aussi, n'appartenait qu'à nous.
Le 22 septembre 2016, jour anniversaire de l'indépendance du Mali dont il aura été sans conteste l'un des plus grands ambassadeurs culturels, Moriba Koïta nous a quittés. Ce disque lui est dédié.
Frédéric Aurier, pour le quatuor Béla
Ils en parlent... -> Libération - Classica - Classique HD - ConcertoNet - Pizzicato - Froggy's delight - gang-flow - Idfm 98
France Musique : Coup de cœur de l'année - France Musique/Allegretto
Solos et pièces franco-mandingues Moriba Koïta
White Man Sleeps Kevin Volans
Impressions d'Afrique* Frédéric Aurier
Quatuor Béla
Julien Dieudegard - violon
Frédéric Aurier - violon
Julian Boutin - alto
Luc Dedreuil - violoncelle
Moriba Koïta n'gonis, tama
violon 1 : Frédéric Aurier sauf* Julien Dieudegard
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