Archimède - Alain Louvier
Pour Orchestre d'Harmonie
Cette œuvre est écrite pour grand orchestre d'harmonie, comprenant, en dehors des bois, des cuivres et des percussions habituelles à nos orchestres symphoniques, deux ajouts très importants :
- la famille des saxhorns au complet, depuis les bugles jusqu'au saxhorn contrebasse.
- 12 Clarinettes, dont on sait qu'elles reprennent, dans les transcriptions d'orchestre symphonique, les parties de Violon.
Pour ma part, j'ai préféré employer ce merveilleux matériau, si ductile, en 12 parties individuelles, dont 6 sont accordées un 1/4 de ton plus bas.
ARCHIMÈDE épouse, au niveau temporel, la forme de la fameuse spirale d'Archimède, mère du nombre d'or, que l'on retrouve souvent dans la nature (escargots, centre de la fleur du tournesol, etc...) ; cette spirale est ici décrite des bords vers le centre, provoquant une impressionnante accélération, sorte de big crunch (le contraire du big bang...).
ARCHIMÈDE est composé de 12 strophes enchaînées (notées de I à XH dans la partition), et formées chacune de 12 musiques très contrastées au niveau orchestral (appels, fanfares, murmures nocturnes, solos, jeux de percussions, ostinatos et même silences...) ; on retouve ainsi la pensée fractale, où chacune des parties reflète le tout en réduction. Dans la partition, ces 12 séquences se succèdent - à l'intérieur de chaque strophe - toujours dans l'ordre suivant :
7 - 10 - 4 - 5 - 3 - 6 - 1 - 12 - 2 - 11 - 9 - 8
Problème essentiel ici : la gestion du temps, car chaque strophe ne dure que les 2/3 de la précédente; et si, dans la strophe I, 5 minutes environ suffisent largement à faire entendre 12 idées musicales différentes, cela devient impossible dans la strophe XII, qui ne dure plus que 5 secondes ! Et à jouer trop Vite, tout le monde va dans le mur !
Cette terrifiante spirale, qui nous engloutit inexorablement en nous précipitant vers son centre, m'a évoqué alors l'accélération de l'histoire, où c'est l'humanité qui risque fort d'aller dans le mur...
Ce ne sont plus, aujourd'hui, des sectes millénaristes, mais bien les scientifiques les plus sérieux qui redoutent la catastrophe planétaire, et peuvent même en préciser le mécanisme exponentiel : il se nomme effet de serre.
La catastrophe, dans ARCHIMÈDE, nous attend à la fin, au centre de la spirale; les strophes, de plus en plus courtes, sont peu à peu perturbées par des interventions "calamiteuses" des percussions, qui masquent peu à peu le discours musical des strophes et des séquences... Ces mêmes percussions qui avaient d'ailleurs, depuis le début, communiqué en morse avec le chef et l'orchestre (on pourra reconnaître notamment le célèbre SOS morse...).
ARCHIMEDE est donc un acte citoyen: un cri d'alarme en musique; un grand orchestre d'harmonie, à la respiration immense, exhalera son grand souffle pour que notre précieuse atmosphère soit préservée.
J'espère, bien sûr, une issue différente, car je crois au génie des hommes, et à leur sursaut.
Aussi, malgré une construction formelle qui nécessite une terrible précision, j'ai tenu à faire chanter les solistes de l'orchestre, en leur confiant même... des airs.
Mais de l'autre côté du big crunch, une coda funèbre s'est imposée à moi, modérant ce fol espoir...
Alain Louvier
Janvier 2006
Durée : 20'
Nomenclature : Orchestre d'Harmonie